Dans deux nouvelles interviews, que je vous ai traduites ci-dessous, Stephen King parle de son process d’écriture, de son roman Holly, mais aussi de ses prochains projets : We Think Not et… un troisième tome à Talisman et Territoires !
Stephen King a déjà beaucoup parlé de Holly et de ses inspirations pour celui-ci (dans des interviews que je vous ai traduites ici et que je vous invite à lire), aussi dans cet article, je ne traduirai que ce qu’on apprend de nouveau.
Attention, la suite contient des spoilers qui dévoilent des éléments de l’intrigue !
Stephen King a été interviewé par Jeff Glor sur CBS Saturday Morning. L’échange a été diffusé sur CBS News le 9 septembre et mis en ligne sur YouTube (ci-dessus) dans la foulée.
Il y explique qu’il se demande souvent “que Fait Holly en ce moment ? Et si je n’ai pas de réponse, j’y réfléchis lors de ma promenade du matin et à la fin, elle semble réapparaître.”
Il ajoute : “Holly a des Troubles Obsessionnels Compulsifs, c’est le genre de personne qui remet des cadres droits dans des hôtels, je suis aussi ce genre de personne. Il y a un peu de Holly en moi. Il y a un peu de Holly en tout le monde.”
Puis il explique l’intrigue de son roman Holly (attention spoil !!): “Il y a un couple de vieux universitaires, Rodney et Emily, qui se trouvent être des serial killer et qui ont une cage dans leur sous-sol.”
Il répond aussi à la question que je me posais dans mon avis sur Holly : on sait que King ne fait pas de plan pour ses livres. On est ici sur un thriller bien ficelé, très bien mené, avec une belle toile de beaucoup d’éléments plus ou moins connectés, mais il confirme qu’il n’a pas fait de plan non plus pour Holly. “Je ne planifie rien. Je ne peux pas, je ne suis pas bon à ça. Je comprends qu’une histoire mystérieuse à la Agatha Christie soit attractive, mais pour moi c’est du puzzle. C’est drôle, c’est intéressant, mais en fin de compte, c’est oubliable.”
Le livre qu’il est en train d’écrire (We think not) contient une intrigue qui semble complexe, mais il confirme à nouveau que non, il ne fait pas de schéma.
Jeff Glor explique à Stephen King que le premier roman qu’il a lu de lui, c’était Misery, et lui demande s’il a été écrit avant ou après qu’il devienne sobre : “Avant. Mais je savais ce qui n’allait pas chez moi. Annie fait prisonnier Paul Sheldon parce qu’elle est sa fan numéro 1. C’est de l’amour de fan. La cocaïne et l’alcool m’aimaient aussi, jusqu’à la mort. Mais je savais ce qui n’allait pas, à cette époque, et je suis sûr qu’il y a un sous-texte dans Misery.”
Cette interview est menée le matin, le moment de la journée pendant lequel Stephen King écrit habituellement : “Oui, je serais en train d’écrire [si je n’étais pas ici] mais ce sur quoi je travaille me donne des difficultés, donc je suis heureux d’être ici. C’est un jour de congé. Mais répondre à des interviews, c’est aussi difficile, parce qu’à la fin j’ai toujours l’impression de m’être fait dépouiller l’esprit, comme après avoir passé un SAT.”
En parlant de son essai Écriture, Mémoires d’un métier, il confirme qu’il l’a écrit en partie parce qu’il voulait parler du process de l’écriture mais qu’on ne lui demandait jamais en interview. “J’ai toujours pensé, je le crois du plus profond de mon cœur, que tu écris pour apprendre sur toi-même.”
“En tant que lecteur, mon idée du livre idéal, c’est un livre que je ne voudrai pas arrêter de lire. Que je veux lire jusqu’aux premières heures du matin. Je ne veux pas sauter le dîner, mais je veux le lire en dînant. Je ne veux pas regarder la télévision, je veux juste lire ce livre. Et quand ça se produit, c’est vraiment fantastique.”
Stephen King a également été l‘invité d’un épisode du podcast littéraire du New York Times : “Book review”.
On savait que King, à l’écriture de Mr Mercedes, avait d’abord pensé que le personnage d’Holly ne ferait que passer. Mais une scène de son roman a tout changé : “Quand Holly arrive dans une maison où elle rencontre Jerome Robinson, qui sera plus tard son ami, comme son fils en quelque sorte, ils connectent l’un avec l’autre de façon très intéressante, et c’est à ce moment qu’elle devient un personnage majeur. Je ne sais jamais où je vais ni ce qu’il va se passer, donc j’étais ravi de la voir rester et devenir un personnage important qui évolue autant. Je voulais écrire plus à propos d’elle et à ce moment-là je ne savais pas que la trilogie serait une trilogie : Mr Mercedes, Carnets Noirs et Fin de Ronde. Dans chacun de ces livres, Holly devient de plus en plus capitale. Et je n’avais aucune idée qu’elle ferait partie de L’Outsider.”
Comme je le disais dans mon avis sur Holly : le roman se passe en 2021, en pleine pandémie de Covid-19 quand tout le monde portait encore des masques et avait arrêté de se serrer la main, ou de s’embrasser pour se saluer. Pour Stephen King, c’est très caractéristique d’Holly de ne pas vouloir serrer la main (mais de faire un “check du coude”) pour dire bonjour, elle a toujours des gants dans ses poches “et pourtant, c’est aussi une fumeuse. Elle a cette habitude qui est contradictoire avec les autres. Dans son enfance, elle était contrôlée par sa mère, on s’est moqué d’elle à l’école, elle a été abusée sexuellement, et au final, elle a trouvé le courage de dire non, d’assumer qui elle est. C’était intéressant de la voir grandir, et je l’aime parce qu’elle fait toujours attention à dire ‘zut’ au lieu de ‘merde’…” Il aime aussi ses insécurités, et le fait qu’elle soit très intelligente.
L’intervieweur est, comme je l’ai été et comme tout le monde l’est à la lecture de ce roman, surpris que King ne planifie rien et ne fasse jamais de schéma pour ses romans ou ne s’intéresse pas plus que ça à l’intrigue, notamment quand il s’agit de thrillers ou de romans policiers comme il en a écrit plusieurs ces dernières années et pour lesquels, historiquement, les auteurices mettent l’accent sur l’intrigue. Stephen King explique qu’il a aimé Le Talentueux Mr Ripley, de Patricia Highsmith, où on ne se demande jamais qui a commis les crimes. Il aime les romans d’Agatha Christie mais ne comprend pas comment elle a fait ce qu’elle a fait et précise qu’il a été estomaqué par la fin de plusieurs de ses romans. “Le Meurtre de l’Orient Express, c’est une idée géniale, mais je serais incapable de faire ça. Alfred Hitchcock a dit : ‘Si une bombe explose dans une scène où des gens sont réunis, vous aurez 5 secondes d’horreur. Mais si vous savez que la bombe est sous la table, et que les personnages ne le savent pas, alors vous aurez 10 minutes de suspens tendu.‘ Mais si le spectateur est informé de sa présence, attend ou redoute qu’elle se déclenche, alors c’est bien de suspense qu’il s’agit.’ Et il était maître en la matière.”
Mais il explique quand même que dans Holly, des éléments de l’intrigue l’ont rendu fou et il confirme qu’il travaille sur une histoire intitulée We think not, dans lequel “on retrouvera Holly Gibney, pas en personnage principal mais elle y sera importante”, et que dans ce nouveau roman, l’intrigue est tellement importante (voire complexe pour lui qui ne fait pas de schéma), qu’il a juste envie de hurler.
Il se souvient avoir été bloqué dans l’écriture du Fléau parce qu’il avait trop de personnages et ne savait plus quoi en faire, et il a plus ou moins le même problème avec le livre qu’il est en train d’écrire.
L’intervieweur l’interroge lui aussi sur son essai Écriture, Mémoires d’un métier, publié en 2000, et sur le regard qu’il porte dessus aujourd’hui. “La partie ‘Mémoires’ de cet essai existe à cause de l’accident que j’ai eu en 1999. C’est devenu une part intégrante du livre, quand tu te dis qu’écrire est comme une valve d’évacuation, mais que c’est aussi une façon de comprendre ce qu’il se passe dans sa vie, ou dans une histoire. Si vous passez beaucoup de temps à travailler sur un livre, des mois, des années peut-être, quand vous terminez, vous devriez être en mesure de vous demander pourquoi vous y avez passé autant de temps, pourquoi vous y avez consacré autant d’heures au lieu de faire d’autres choses, de passer du temps avec vos enfants ou autre. Pourquoi autant d’heures ? De quoi s’agit-il ? Quel est le but ? Avec cet essai, je voulais essayer de démontrer comment la narration s’articule avec la vraie vie et ses désagréments. Je voulais trouver ce que ça signifiait pour moi.”
Il reçoit beaucoup de courriers à propos de cet essai, et beaucoup de livres de gens qui disent qu’il les a aidés à trouver leur raison et leur façon d’écrire une histoire. “La plupart du temps, les gens ont l’impression que c’est une montagne trop haute à escalader. Que c’est trop dur. Ce que je dis dans cet essai c’est que vous savez écrire, vous savez lire, vous pouvez le faire, mais ça ne dépend que de vous et que vous pouvez toujours trouver une façon de le faire si vous y croyez. Évidemment il y a différents niveaux de capacité et d’engagement dans l’écriture. Il y a des choses qu’on peut faire avec un tout petit peu de talent, et il y a plus de choses pour lesquelles il faut plus de talent. Il y a des auteurs, je tuerais pour écrire aussi bien qu’eux, mais je fais ce que je peux, et ça me convient.”
Il parle de Peter Straub et de leur collaboration, rappelant qu’il vient de terminer de relire Talisman et qu’il commence à relire Territoires. “Parce que j’aimerais écrire un troisième livre. Ça a toujours été prévu d’être une trilogie : Jack Sawyer enfant, puis jeune homme, et enfin en homme d’un certain âge. Le chemin est tracé, nous avons ouvert la porte qui mène à ce dernier tome. Je me retiens, parce que je veux d’abord terminer ce sur quoi je suis en train de travailler.”
Il aimait Peter Straub et à quel point c’était un bon auteur, il aimait sa prose très claire et en quelque sorte poétique et comme elle se combinait bien avec les arcs narratifs. “Peter était fantastique, c’est une grande perte.”
Puis il est invité à parler de son essai sur l’intelligence artificielle, dans The Atlantic, expliquant ce qu’il y explique déjà : qu’on aime ou pas, même si on en a peur, ça va arriver, c’est inévitable.
Interrog sur l’influence qu’il a sur les nouvelles générations de créateurs de fiction, Stephen King répond : “Vous lisez les personnes que vous aimez (Ray Bradbury, Richard Matheson en ce qui me concerne), et d’une certaine façon vous le transmettez en ajoutant un peu de vous. Et maintenant certaines personnes transmettent un peu de moi, et c’est une chose merveilleuse.”
Puis il termine par une blague, une “dad joke”, comme il aime en raconter, celle qu’il a racontée sur Twitter :
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