Cette nuit, Stephen King et John Grisham étaient en direct sur YouTube pour une conversation en faveur de la fondation Binc qui soutient l’industrie du livre et notamment les librairies indépendantes, qui souffrent particulièrement pendant le confinement. Ils ont été très bavards et notamment Stephen King qui a révélé beaucoup de choses sur ses projets, sa méthode d’écriture…

Voici ma traduction de ce qu’on a appris de nouveau sur King dans cet échange d’une heure avec Grisham.

Sommaire :

Stephen King fait la promotion de son nouveau livre, If It Bleeds, qui n’a encore aucune date de parution en français. Je ne retraduirai pas tout ce qu’il a déjà dit sur son livre, son confinement, Trump, le Covid-19… dans trois très récentes interviews sur le sujet, que je vous invite à lire :

Mais en une heure de conversation, nous avons quand même appris beaucoup de nouvelles choses. En premier lieu pour les personnes qui se posent la question : il commence par dire que tout le monde va bien (il est confiné dans sa résidence de Floride, à Sarasota, avec Tabitha et Molly).

Stephen King et les librairies

Cette conversation en direct est faite pour soutenir les libraires et librairies indépendantes, menacées par la crise du Covid-19 alors que leur économie était déjà fragile.

Alors que John Grisham appelle les lecteurs à soutenir leurs libraires en achetant leurs livres chez eux, Stephen King répond : “Il y a tellement d’auteurs qui ne sont pas dans notre position, qui ne sont pas John Grisham ou Stephen King, ils en ont vraiment besoin. Écrire n’est pas leur seule source de revenus, ils sont parfois professeurs ou autre, c’est compliqué et il y a des grosses compagnies qui livrent des livres. Mais les librairies indépendantes sont très importantes, j’espère qu’on pourra aider.”

Il précise qu’il a 20 cartons de livres qui doivent arriver pour qu’il les signe. Ils seront mis à la vente pour aider les librairies indépendantes puisqu’un livre signé se vend bien plus cher. “J’espère que ça les aidera.”

John Grisham explique que quand il voyage, il aime s’arrêter dans les librairies pour voir combien ils ont de livres de lui, et quand il y en a, il les signe. Et Stephen King rappelle cette anecdote : “La dernière fois qu’on était ensemble, on était ici à Sarasota, je te ramenais à l’aéroport. Tu as donné cette idée qu’on pourrait faire une tournée des librairies sans prévenir et signer tous les livres, rencontrer les gens et leur serrer la main. Ça aurait été un truc cool à faire.” Et quand John répond “mais on ne l’a jamais fait” King précise : “pas encore”.

A une époque, King faisait la tournée des librairies indépendantes à travers le pays en moto pour faire des signatures de ses livres, c’est ce qu’il a notamment fait pour son roman Insomnie. Grisham le taquine sur la taille de ce livre et King raconte une anecdote sur un livre de James Mitchum qui avait eu comme critique : “j’ai deux conseils : ne lisez pas ce livre, et si vous le lisez ne le faites pas tomber sur votre pied”.

La dernière fois que King a fait une grosse tournée promo, c’était pour Fin de Ronde (2016 donc). “Ils veulent que tu ailles dans les grosses villes : New-York, Washington, Atlanta, Miami, Chicago, Los Angeles, San Francisco. J’ai proposé d’aller à des plus petits endroits où personne ne va jamais. Je suis donc allé à Oklahoma City, où je n’étais jamais allé, un jour en Ohio aussi. Et tu sais quoi, il étaient tellement heureux ! Ils auraient été heureux de voir n’importe qui, et c’était merveilleux. Ça m’a rendu très heureux.”

La genèse de L’Outsider

“Quand je suis allé en Oklahoma, je me suis dit que je voulais faire se dérouler un livre à cet endroit. Et j’ai fini par mettre le principal de l’action de L’Outsider en Oklahoma. J’ai inventé la ville où se passe le principal de l’histoire mais j’ai ressenti quelque chose pour cet endroit. Tu ne voulais pas aller trop profond pour ne pas merder avec les locaux puisque je ne suis pas de là, mais tu peux le faire en restant léger.”

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Jason Bateman dans le rôle de Terry maitland – The Outsider s01

La genèse de If It Bleeds

On sait que le recueil de 4 novellas contient une plus longue histoire du nom de If It Bleeds, qui est une suite officielle et indépendante à L’Outsider. On savait déjà qu’il avait l’idée depuis des années d’une histoire sur ces journalistes qui ne font que dans le sensationnel voire le gore, qui sont toujours les premiers sur les lieux d’un drame pour faire des duplex en direct.

Stephen King a reprécisé la naissance de cette histoire : “Ce journaliste devient trop impatient de couvrir des tragédies et il commence à les provoquer. J’avais l’idée, mais je n’avais pas, tu sais… comme la transmission sur une voiture qui la fait démarrer. Et j’ai cette détective, des livres Mr Mercedes et L’Outsider, Holly Gibney que j’aime, et je me suis dit que je la mettrais dans ce livre. Je pensais que c’était trop court pour être publié seul et que ça serait me moquer des lecteurs. J’avais trois autres longues histoires et je les ai mises avec.”

La deuxième histoire du recueil s’appelle “The Life of Chuck” et Stephen King précise : “J’avais écrit une histoire qui s’appelait ‘Thanks Chuck’ et j’ai eu le sentiment qu’il manquait quelque chose j’ai donc écrit deux autres histoires à propos de Chuck Krantz, le personnage principal, et j’ai appelé l’histoire ‘The Life of Chuck’ et ça fait une bonne petite novella.”

D’ailleurs, à propos du format hybride de ce qu’on appelle “novella”, il dit : “C’est un format disgracieux. Novella… personne ne sait vraiment comment appeler ça. Mais c’est trop court pour être un roman et c’est trop long pour être une nouvelle. Quand j’en écris, je les mets de côté et j’attends.”

Les projets de romans en cours de Stephen King

Quand John Grisham lui demande sur quoi il travaille en ce moment, King reparle du roman qu’il écrit actuellement et dont il a dû changer un élément à cause du Covid-19. Mais il précise ausi : “Tu sais j’ai cette réputation de ‘Stephen King le maître de l’horreur’. J’ai écrit beaucoup d’histoires qui font peur mais, comme toi, on doit vieillir parce que je me suis dit que j’avais cette merveilleuse idée pour un roman purement criminel. Le personnage principal est un assassin. Il est embauché pour tuer quelqu’un et tout part de là. Je prie Dieu qu’il se termine. Je ne sais jamais si je terminerai jusqu’à ce que je termine.”

Il n’a rien au planning pour le reste de l’année mais il a un roman de taille moyenne qui pourrait être publié l’an prochain. “C’est une histoire de suspense avec un twist surnaturel.”

“Le fait d’être coincé chez moi, c’est que je n’ai plus d’excuse pour ne pas écrire. Les pages s’enchaînent, et c’est super. On a beaucoup de chance de pouvoir faire ça.”

Stephen King prendra-t-il sa retraite ?

“Je ne peux pas m’imaginer prendre ma retraite, je ne peux pas imaginer ce que je ferais entre 8h et midi. Pendant ces 4h je m’isole dans mon propre monde et j’aime vraiment ça.”

Les méthodes d’écriture de Stephen King

Comment Stephen King fait se dérouler ses histoires

Stephen King réagit quand John Grisham explique qu’il se dit toujours “n’écris jamais la première scène si tu ne connais pas la dernière scène” et lui répond : “tu étais du genre à fouiller dans les placards avant Noël pour voir ce qu’on t’offrait ?”.

Stephen King lui ne sait pas toujours comment ça se termine quand il commence à écrire : “J’ai une idée de ce que j’aimerais faire, une situation, les personnages entrent en scène un par un et j’ai des indices sur ce que je dois écrire. Souvent, j’ai une idée de comment le livre va se terminer. Mais ça se termine rarement comme je le pensais. Souvent certains twists surprennent les lecteurs parce que je ne savais pas non plus qu’ils arriveraient. J’ai écrit un livre appelé Cujo, et j’ai reçu tellement de lettres pour ce livre. Je vais vous dire un spoiler mais bon le livre a genre 40 ans ! [Attention King spoil la fin du roman dans la suite du paragraphe ! ndlt] Il m’écrivaient pour me dire ‘comment avez-vous pu laisser mourir ce gentil petit garçon dans la voiture’ et ma réponse était que je ne savais pas qu’il allait mourir. Il est juste mort.”

“Je veux savoir ce que je ferai demain, je me fiche de la semaine prochaine.”

Stephen King et les ordinateurs

Stephen King n’a pas fait confiance aux ordinateurs pendant longtemps, ayant peur de perdre son travail. Il écrivait tous les jours de 8h à 12h et dès qu’il avait fini, il imprimait. “Je ne le fais plus, et j’adore. J’ai un personnage dans cette histoire, elle a 21 ou 22 ans, mais je veux finalement qu’elle soit plus jeune. Je n’ai plus à ré-écrire ou ré-imprimer toutes ces pages. Je retourne juste sur l’ordinateur et je la rends un peu plus jeune.”

Il explique aussi qu’il ne sait pas comment déconnecter son ordinateur d’internet quand il écrit, et qu’il est sans arrêt distrait par les notifications de mails et de messages directs de sa barre des tâches, “je vais regarder ce que cette personne veut”. John Grisham lui, a peur de se faire hacker son travail : l’ordinateur sur lequel il travaille n’est pas connecté à Internet !

L’évolution de ses méthodes d’écriture au fil des ans

“Ça a changé dans le sens où je n’écris pas autant qu’avant. Quand je travaillais sur Le Talisman avec Peter Straub, j’étais au top à l’époque. J’ai eu des jours où j’écrivais 5000-6000 mots. Ce n’est plus le cas. C’est plus lent. L’ordinateur a changé beaucoup de choses. Toi et moi on a commencé sur des machines à écrire.”

“J’ai commencé à écrire sur la machine Olivetti de ma femme. Elle aime dire aux gens que je l’ai épousée pour sa machine à écrire. Ce n’est pas le cas, elle a d’autres qualités merveilleuses, physiques, mentales et spirituelles. Des qualités merveilleuses, j’aime ma femme à mort, elle a été mon plus grand soutien toutes ces années. Mais elle avait une machine à écrire merveilleuse et j’ai tellement tapé dessus que tu pouvais voir la forme de mes ongles sur certaines touches. Carrie a été écrit sur cette Olivetti. Et Salem aussi. Et un jour je suis rentré à la maison et il y avait une grande boîte sur le pas de la porte de la part de mon éditeur. Et c’était une machine à écrire IBM Selectric avec la possibilité de corriger ce qui avait été tapé. C’était une grande innovation à l’époque. Et ensuite ma femme, ma plus grande supportrice, a commencé à m’embêter pour que je prenne un ordinateur. Je râlais que je n’en voulais pas et finalement elle m’a persuadé et je me plaignais auprès d’elle ‘je dois apprendre comment ça fonctionne alors que je suis censé écrire des histoires !’ et elle hochait simplement la tête. Aujourd’hui je n’abandonnerais pas l’ordi, donc elle a eu raison.”

Stephen King montre alors (44:37) un cahier sur lequel il écrit à la main quand il s’ennuie ou qu’il a un peu de temps. “Des fois c’est bon et des fois c’est mauvais mais j’ai toujours l’impression que c’est mauvais et que je ne l’utiliserai pas.” Il y met des morceaux d’histoire et des idées quand il ne peut pas écrire sur son ordinateur, coincé dans une salle d’attente par exemple.

Stephen King, la liste de ses oeuvres et sa photo officielle

Pendant des années, les romans de Stephen King étaient publiés, comme pour les autres auteurs, avec dans les premières pages la liste de ses autres publications, comme une bibliographie. Mais ce n’est plus le cas : “Mon éditeur, Scribner, a arrêté de mettre cette liste. Ils pensent peut-être qu’il y en a trop. Je ne sais pas pourquoi et ça ne m’importe pas parce que je trouve ça un peu embarrassant ce côté ‘regardez tout ce que j’ai fait’. Si quelqu’un veut trouver mes livres il peut les trouver.”

Dans les livres se trouvent toujours aussi une photo officielle de l’auteur, parfois à l’intérieur, parfois en 4e de couverture. King l’a faite mettre à jour pour L’Outsider prise par un ami d’école d’un de ses fils devenu photographe mais il s’en souci peu aussi car n’importe qui peut googler le nom d’un auteur pour en trouver des photos : “Vous pouvez voir quelqu’un vieillir sous vos yeux”.

Une collaboration entre Stephen King et John Grisham ?

“Quand tu seras prêt, je suis prêt moi” répond King à Grisham. Mais Grisham n’est pas de cet avis : “J’ai peur de collaborer avec toi à cause d’une histoire vraie. Peter Straub m’a dit que c’était horrible de travailler avec toi car tu travailles trop vite, et que tu lui disais qu’il écrivait trop lentement” mais King dément lui avoir fait cette réflexion.

King rappelle qu’il a déjà écrit avec Joe Hill et Owen King, ses deux fils, et que Sleeping Beauties avec Owen est un de ses livres préférés. “Ecrire avec mes fils était intéressant car Joe écrit comme moi et Owen écrit comme sa mère, Tabby, qui a écrit 7 livres qui sont fabuleux. Il a un sens de l’humour de malade. Owen jure que j’en ai eu l’idée mais ce n’était pas moi, Sleeping Beauties est son idée.”

Comment le Covid-19 va influencer ce que les gens lisent

Est-ce que la pandémie va éloigner les gens des histoires de Mal et de mort ? Non, d’après les auteurs. Il y aura toujours de l’envie pour lire ce type d’histoire. Cela va même sans doute créer un sous-genre de livres sur des épidémies, les contagions, pandémies… John Grisham pense qu’il en sera publié beaucoup dans 11 ou 12 mois, ce qui lui semble normal puisqu’on réagit toujours à ce qui arrive. King approuve le fait que les gens lisent plus, que ça leur donnera peut-être envie de lire plus. “J’ai vu les chiffres de vente de If It Bleeds et ils sont plus bas à certains endroits, mais ils sont plus hauts à d’autres. Il y a des endroits où les gens peuvent acheter des livres qui ne sont pas des librairies dans les supermarchés par exemple, qui sont toujours ouverts, et là-bas les chiffres sont bons. Donc tu as raison, les gens veulent lire.”

En ce moment, King lit Masked Prey de John Sandford mais il essaye de se tenir éloigné des informations qui après tournent en boucle dans sa tête et pourraient le déconcentrer dans sa lecture. “J’ai lu ‘Missing Person’ de Sarah Lotz sur des groupes de gens sur internet qui recherchent des personnes disparues et c’était génial. J’aime les histoires qui ont des amitiés fortes et il y en a dans ce livre.”

Ses adaptations en cours

“On était à 24 jours de la fin du tournage d’Histoire de Lisey, à New York. On filmait au Brooklyn Navy Yard. Et chaque jour je me disais qu’on était un jour plus proche d’avoir terminé. Mais ils ont dû nous faire arrêter. Tout le monde a dû s’arrêter. On veut protéger des vies, garder les gens en bonne santé autant que possible. A ce que je sache les plateaux de tournage ne sont pas démontés, à un certain moment on reprendra la production.”

“Je pense que certains cinémas ne rouvriront pas. Pour les librairies, au moins nous avons un produit que nous pouvons vendre. Les gens peuvent acheter des livres, de préférence dans des librairies indépendantes. Mais les films ce n’est pas aussi simple.”

Comment Stephen King explique-t-il l’engouement nouveau pour adapter ses histoires ? “C’est en lien avec le clown. Dans 50 ans les gens ne se souviendront peut-être pas de qui était Stephen King, mais ils se souviendront de Grippe-Sou le clown. Le succès de ce film a été une surprise, pour Hollywood et pour moi. Je savais que c’était un bon film mais je n’avais pas idée que ça aurait un tel succès. Il a fait presque un milliard de dollars. Et tu sais les services de streaming sont assoiffés de contenu. Beaucoup de ces plateformes ont acheté des adaptations.”

Et il précise que son dernier caméo était dans Ça Chapitre 2.

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Pluie de lézards à Sarasota

Quand il est en Floride et qu’il fait froid, King aime voir les lézards tomber des arbres avec son corgi, Molly ! Il explique que les lézards entrent en hibernation à cause d’une vague de froid et tombent des arbres, il va se promener avec Molly pour voir ça, “c’est comme une pluie de lézards”.

Un mois d’avril sans baseball

Grand fan de baseball, et notamment des Boston Red Sox qu’il va souvent voir jouer, King a l’impression qu’il lui manque une partie de sa vie, parce qu’il aime en regarder et il aime en parler.

Mais surtout Stephen King explique que le baseball pour lui est une connexion avec Owen. “Joe et moi parlons de livres et d’histoires tout le temps et c’est super. Il me parle de choses qu’il a vues à la tv, que je devrais regarder. Mais Owen et moi parlons de baseball, on a toujours été des grands fans des Red Sox. Et ça me manque.”

“Il n’ya pas de baseball, pas de football, pas de golf, de nascar, ça va faire un grand trou dans la vie des gens.”

Bienvenue dans la cour des grands

La vidéo se conclut sur John Grisham qui raconte que quand son roman La Firme a été publié en 1991, il a été un best-seller et John a reçu un mot de Bangor, dans le Maine, de la part de Stephen King qui disait “hey j’ai adoré La Firme, bienvenue dans la cour des grands”. Ils se sont alors vus plus tard à une convention à Oxford et Stephen King lui a demandé de faire un tour en pick-up pour observer des rednecks.


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