Stephen King est à nouveau l’invité du podcast The Kingcast. Dans l’épisode de cette semaine, publié le 29 janvier 2025, il discute de ses adaptations et de ses projets en cours, apportant notamment beaucoup de précisions à la suite de Talisman et Territoires sur laquelle il travaille actuellement, et sur Never Flinch qui paraîtra en mai.

Je vous propose ci-dessous une traduction de tout ce qu’on a appris dans cet échange. Si vous aimez mon travail, pensez à le soutenir sur Tipeee !

Les membres du podcast rappellent que ça va être une grosse année pour Stephen King : Never Flinch paraît en mai et plusieurs adaptations sont prévues (The Monkey en février, La vie de Chuck en mai, Welcome to Derry en septembre et Running Man en novembre). D’autres projets sont en route mais aucune date n’a encore été communiquée.

Une première question, plutôt insolite et pourtant dans le vrai, est posée à King sur l’importance qu’occupe le maïs dans son œuvre, puisqu’il en met dans beaucoup d’histoires : Les enfants du maïs évidemment, Le Fléau, Vue imprenable sur jardin secret, Sleepwalkers

King répond : “Le Nebraska. C’est la réponse courte. Le Nebraska. J’adore le Nebraska. Et ce n’est pas comme si j’y avais déjà vécu. Et je n’y passe pas beaucoup de temps, mais je l’ai traversé en voiture. En voiture et à moto. Les deux. (…) En Amérique centrale, la réalité est plus mince. Et c’est ce que je ressens au Nebraska, en particulier dans la région des collines de sable. Donc, oui, je suis fou du Nebraska, et le Nebraska est synonyme de maïs.” Le maïs y est principalement transformé en biodiesel, c’est une source d’énergie.

King ajoute qu’il y aura beaucoup de Nebraska dans Talisman 3. King est interrogé sur le fait qu’il parle beaucoup de ce projet : “Mon grand-père avait l’habitude de dire, Stephen, quand tu ouvres la bouche, toutes tes tripes tombent. C’est vrai. Je parle de beaucoup de choses. Les choses m’enthousiasment. Vous savez, je m’enflamme. Et ce livre a été passionnant à travailler pour de nombreuses raisons. Parce que Peter n’est pas là pour travailler sur le livre avec moi. (…) Peter était un très bon gars. Et je l’ai canalisé comme un salaud. Pendant que je travaille sur le Talisman 3, je me retrouve à utiliser ses verbes. Les gens n’entrent pas forcément dans une pièce. Ils s’y engouffrent. (…) Il me manque. Je m’en veux de ne pas avoir travaillé avec lui à l’époque. Parfois on se dit qu’on a le temps et parfois le temps manque. Et c’est ce qui s’est passé. Mais je suis ravi d’être de retour dans les territoires de l’Entre-deux Mondes. Je veux dire que c’est la même chose à la fin de Territoires. Il est assez évident que les territoires sont le au centre du monde et que le centre du monde ce sont les Territoires. Et c’est tellement génial d’être de retour que j’avais envie d’en parler.”

Il ajoute qu’il a beaucoup parlé de ce projet à Tabitha, sa femme, ce qui n’est pas non plus habituel. Il est superstitieux et d’habitude, il ne dit rien. King précise qu’il part bel et bien d’une idée que Straub lui a envoyé par courrier, mais qu’il ne trouve plus ce courrier, alors il a fait de mémoire. Apparemment, l’histoire implique des intrigues inspirées de la vie du tueur en série Charles Starkweather (qui a notamment sévi dans le Nebraska !).

Pour Talisman 3, il essaye de copier le style de Peter Straub pour garder le même style que les précédents romans (il se trouve plutôt bon dans cet exercice), et il ajoute : “Ce que je fais surtout, c’est que je prends l’idée de base de Peter et que j’essaie d’y inclure La Tour Sombre et Le Talisman. Le livre repose en grande partie sur les épaules du Talisman et de Territoires. Certains personnages de Territoires sont donc présents. En fait, certains personnages du Talisman y figurent.” Il dit d’ailleurs plus tard dans le podcast qu’il a relu quelques tomes de son cycle pour préparer l’écriture.

Les membres du podcast rappellent l’excitation qui a pris tous les “nerds de La Tour Sombre quand King a posté être de retour dans l’Entre-deux Monde. Il répond : “C’est très excitant d’être de retour, et j’ai l’impression d’être chez moi. Et je ne suis pas, vous savez, une sorte de George R.R. Martin ou de Robert Jordan. Je ne peux pas, je n’aime pas les cartes. Je ne fais pas de géographie, vraiment. Beaucoup de gens diraient que Steve ne fait pas de fiction. Mais, vous savez, je suis content d’être de retour, c’est génial. Et d’entendre ce mode de parler de nouveau, et la réception que ç’a eu, c’est bon.”

King parle de ses idées, notamment d’une qu’il avait pour écrire un livre de John D MacDonald mais qui a été refusée par ses ayants droit : il n’a pas réutilisé cette idée (“Travis McGee et de son ami Meyer marchant sur une plage, Meyer s’effondre et Travis pense qu’il a eu une crise cardiaque. Il y a un bruit et il se rend compte que quelqu’un a tiré sur Meyer et l’a tué, en fait, parce que ça allait être le dernier livre.”). Il explique aussi que quand il a une idée très claire, en général la suite vient naturellement.

King n’a pas de nouvelles d’une éventuelle adaptation de Talisman, malgré les nombreux projets qui ont été montés (et le fait que Stephen Spielberg y ait longtemps été rattaché). Il précise ne jamais vendre ses droits d’adaptation pour beaucoup d’argent. Et que des fois il y a des adaptations qu’il n’avait pas vues venir, comme celle de la nouvelle Le Singe (The Monkey sort en salles françaises le 19 février 2025). Beaucoup de ses histoires ont été plusieurs fois optionnées pour être adaptées sans que ça ne donne jamais rien.

Il n’est d’ailleurs pas très impliqué dans ces adaptations. Il explique que pour lui tout ce qui l’importait au départ était de sortir de la pauvreté, de réussir à vendre des livres, et l’adaptation de Carrie lui a permis de vendre beaucoup plus de livres. Désormais il réussit aussi à gagner sa vie grâce aux adaptations et à ce qu’il touche pour les options.

“Au début, toutes ces choses étaient vraiment excitantes et nouvelles. Comme tout ce qui se fait au début. Au fil des ans, je dirai que je n’ai jamais considéré ma chance comme acquise. Vous savez, je suis très, très reconnaissant pour tout ce que j’ai reçu. Mais en ce qui concerne les films, je suis d’un côté et les films sont de l’autre. Parfois, ils se rencontrent. Parfois, j’aime vraiment ce que je vois. Et quand j’aime ce que je vois, je dis ce que je peux voir. Je pense que La vie de Chuck est fantastique. Vraiment.”

Il ajoute qu’il a lu le scénario de l’adaptation de Marche ou Crève et qu’il l’a trouvé formidable. Si Francis Lawrence réussit à porter à l’écran ce scénario, “ce sera formidable”.

Il rappelle que Maximum Overdrive (adaptation de Poids Lourds) est le seul film qu’il a réalisé, et qu’à l’époque il se droguait beaucoup. L’équipe de tournage parlait qu’italien, ce qui n’a en rien facilité une tâche qu’il semblait pouvoir maîtriser, mais il s’est vite rendu compte qu’il n’était pas réalisateur. “La seule chose que j’ai apprise, c’est comment jurer en italien.” Il explique que c’est à ce moment-là qu’il a rencontré David Lynch, récemment décédé, qui tournait Blue Velvet, et qu’il a consenti à lui donner quelques conseils de réalisation.

En parlant de Maximum Overdrive, s’il a voulu AC/DC pour la bande originale, c’est parce que leur musique lui paraît aussi incontrôlable que les camions. “Tout ce qu’il y avait de bien dans le film, ils l’ont amélioré. Ce qui n’était pas bon, ils ne pouvaient rien y faire de toute façon.”

Les hôtes du podcast demandent à King d’expliquer cette vieille photo sur laquelle il pose avec des Gremlins : “Euh, quelqu’un m’a peut-être envoyé des Gremlins par la poste parce qu’ils envoient toutes sortes de trucs bizarres, et je l’ai probablement mis sur ma tête pour faire une gaffe et j’ai porté l’autre.” Mais il explique ne jamais avoir visité le plateau de tournage des Gremlins.

Viennent ensuite les questions sur son prochain roman à paraître en anglais en mai, avec Holly Gibney, Never Flinch. Qu’est-ce qui lui plaît tant chez Holly pour lui offrir une 7ᵉ histoire ?

“Je pense que c’est son insécurité, en particulier son insécurité sociale. Je veux dire, elle serait presque sur le spectre autistique d’une certaine façon. Elle a un peu de TOC que je partage et cette insécurité, je la ressens, mais elle s’accompagne d’une incroyable capacité à détecter, à comprendre, vous savez, à faire des déductions à partir de rien. Et, vous savez, pour moi, quand elle est apparue dans Mr. Mercedes, elle était juste supposée être un personnage de passage. Et elle a eu la chance de libérer une partie de son potentiel quand elle a rencontré Jerome Robinson. J’aime l’idée qu’elle trouve un exutoire pour toutes ces choses qui étaient en elle, cette capacité à détecter, et cela s’ajoute à l’insécurité, ce qui en fait un personnage intéressant. Il y a un moment dans Never Flinch où elle fait une déduction, et la moitié de la déduction est juste et la moitié de la déduction est fausse. Et bien sûr, elle se concentre sur ce qu’elle a mal fait, ce que nous avons tous tendance à faire, et je pense que c’est l’une des raisons pour lesquelles Holly a séduit des personnes qui ne font pas nécessairement partie de la communauté du suspense horrifique, parce qu’elle a cette qualité, cet acharnement. Je me suis donc dit qu’il serait intéressant que Holly soit le garde du corps d’une militante de la cause des femmes, d’une militante du pouvoir des femmes. C’est ce que j’ai fait. Et c’est resté dans les livres. Ma femme a lu ce livre en manuscrit, et elle a dit que ce n’était vraiment pas très bon. Hum. Wow. C’est épuisant de faire diverses connexions dans l’histoire. Et je l’ai très mal pris. Mais je l’ai aussi pris à cœur et j’ai réécrit le livre depuis le début. Une version complètement différente, incorporant certaines choses du projet original, qui s’appelait We Think Not. Ensuite, ça devait être Always Holly. Et finalement, c’est devenu Never Flinch. Il est donc passé par ces différentes itérations. Et le truc c’est que dans la première version, j’étais gourmand. Je voulais en fait trois intrigues différentes. Et celle qui s’est perdue, celle qui a été abandonnée, c’est que je me suis dit que j’aimerais faire quelque chose avec Carnets Noirs parce qu’ils trouvent les chiens perdus pendant un certain temps. C’est de cela qu’ils vivent. Et je me suis dit, attendez une minute, les chiens de Lady Gaga n’ont-ils pas été volés et le promeneur de chiens n’a-t-il pas été abattu ou quelque chose comme ça ? Je me suis dit que c’était un sujet parfait. Je voulais ajouter ça à tous le reste. C’était trop.”

Tabby, Tabitha, sa femme, a aimé la version retravaillée, sans ça il ne l’aurait jamais publié. Il est interrogé sur l’influence qu’elle a sur lui, King expliquant qu’elle lui a sans doute sauvé la vie : “J’aurais pu mourir d’une overdose à 38 ou 39 ans sans, vous savez, mais Le fait est que Tabby n’accepte aucune merde de qui que ce soit et surtout pas de moi. Alors elle me donne une opinion honnête. Souvent. Et elle n’essaie pas de faire de la poudre aux yeux.” Elle a toujours pris l’écriture au sérieux et l’a toujours encouragé à écrire, même quand ils étaient pauvres et qu’il aurait pu occuper ce temps à travailler plus pour mieux gagner sa vie.

Sans transition, il a aimé la plaisanterie de Taylor Swift chez Stephen Colbert quand elle a dit qu’elle avait écrit “Hey Stephen” pour King, qu’elle adorait Stephen King et que La Tour Sombre avait changé sa vie. D’ailleurs, à propos de La Tour Sombre et de la place spéciale qu’occupe le cycle dans l’œuvre de King : “Ils sont tellement uniques. Ce que je dis aux gens, c’est que même s’il y a des parties que vous n’aimez pas, vous ne lirez jamais rien de semblable, n’est-ce pas ? C’est comme si vous preniez des risques dans ces livres, et c’est la raison pour laquelle les gens qui l’aiment l’adorent. Parce que, encore une fois, il n’y a rien de comparable.”

D’ailleurs, à propos de l’adaptation de La Tour Sombre que Mike Flanagan prépare : “J’ai vu des scénarios et des pitchs, et il commence là où il faut, et les rythmes sont parfaits. C’est juste parfait.”

Le podcast en étant à déjà 50 minutes, l’équipe commence à poser des questions en vrac à l’auteur.

King et son œuvre sont très référencés et très cités par d’autres artistes de tous types. Interrogé sur la référence qui l’a le plus marqué ou interpellé, une seule vient à l’esprit de King : un joueur de hockey professionnel, Curtis Joseph, qui se faisait appeler Cujo, et qui portait un masque avec une tête de chien dessus. “Et je me suis dit que c’était très pertinent.”

L’inspiration pour le nom de “Cujo” vient de “d’un des gars de l’ALS qui s’appelait Cujo, le Noir. Parce que c’était un gang blanc avec un noir, et Patty Hearst, le nom de ce type, son nom de rue ou son nom d’argot était Cujo. Oh, j’adore cette idée.”

A propos de cette double couverture de Misery qui imagine une fausse couverture d’un des romans de Paul Sheldon, King avoue qu’il trouvait l’idée à mourir de rire que l’on mette sa tête sur un corps suave dans une ambiance sexy, façon Harlequin.

Beaucoup de fans s’interrogent sur le fait que King ait ou non des romans en stock, comme l’écrivain dans son roman Histoire de Lisey. “Je n’ai pas de romans à proprement parler, mais j’ai beaucoup de nouvelles inachevées et même des nouvelles qui n’étaient pas très bonnes. Elles sont toutes quelque part, mais je ne sais pas où.” Même si la nouvelle The Answer Man est effectivement une nouvelle que son neveu Jonathan a trouvée dans un coffre parmi d’autres histoires, “la plupart d’entre elles n’étaient pas très bonnes. Certaines l’étaient. Et celle-là m’a interpellé et m’a dit, finis-moi, alors je l’ai fait”.

King a un jour mentionné qu’il avait écrit 5 romans avant la publication de Carrie, son premier roman publié. Les hôtes supposent qu’il y avait Running Man, Rage et Marche ou Crève. King ajoute qu’il y a aussi Blaze et un roman dont le titre est Sword in the darkness : “Ce n’était vraiment pas très bon, mais c’était un effort pour écrire un long roman. Un roman à plusieurs personnages avec des perspectives changeantes.” Il parle aussi de The Aftermath, un texte de 50 000 mots resté inachevé : “Je ne sais pas si on peut appeler ça un roman ou non. Je crois qu’il faisait 56 pages. Il a été écrit quand j’avais 14 ou 15 ans. Ce n’était pas mauvais, mais ce n’était pas bon non plus.”

Un des host lui montre un objet de sa collection, un exemplaire d’une des premières nouvelles de King, Glass floor. Il se rappelle : “Vous savez, c’était très, très excitant de recevoir une lettre d’acceptation après beaucoup de lettres de refus. Même si j’avais déjà reçu une lettre de M. Lowndes, qui éditait ce magazine, et qui disait que c’était vraiment une bonne histoire et que c’était la raison pour laquelle elle n’était pas bonne. Mais envoyez-nous en plus. Et j’étais tellement excité par cela. C’était génial de recevoir 35 dollars pour un article et d’avoir quelque chose à raconter.” Il ne se souvient pas ce qu’il a fait de l’argent mais suppose que les $35 ont servi à envoyer encore plus d’histoires.

Stephen et Tabitha viennent de célébrer leurs 54 ans de mariage et voici ce qu’ils ont fait : “Je crois que nous avons mangé un gâteau au chocolat, nous nous sommes assis à la table de la cuisine et nous avons mangé du gâteau, encore une fois. Nous avons partagé quelques petites cartes et cadeaux, mais vous savez, c’était une chose discrète et ce n’est pas l’une des plus importantes.”

En dernière question, King est interrogé sur so habitude de s’autospoiler en préparant beaucoup et très explicitement ce qui va passer quelques pages plus tard (beaucoup de choses du type “et elle ne le revit jamais vivant”). Une habitude étonnante puisqu’il écrit toujours sans plan, sans connaître la suite. “C’est une chose instinctive. Parfois, on a envie de le faire, parfois non. Il se passe beaucoup de choses juste en dessous du niveau conscient de mon esprit quand j’écris. Et parfois, cela semble être la bonne chose à faire si je sais ce qui m’attend. Mais souvent, dans mes histoires et mes livres, il se passe des choses qui surprennent les lecteurs parce qu’elles me surprennent moi-même. Je ne pensais pas que ce petit garçon allait mourir à la fin de Cujo, n’est-ce pas ? Mais il est mort. Il est mort.”

D’ailleurs, dans le film, le garçon ne meurt pas, ce qu’a toujours déploré King même si pour lui, puisque le chien a léché le garçon au début du film, l’enfant est probablement quand même mort de la rage après la fin.


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