Stephen King a participé pour la deuxième fois au podcast Talking Scared. Il a échangé durant plus d’une heure avec l’animateur Neil McRobert. Puisqu’il est en anglais je l’ai écouté pour vous, et je vous ai traduit ce qu’on y a appris ! Je vous mets d’abord en bref les grosses annonces à retenir. Et puisque Stephen King est passionnant et que les échanges sur son écriture ou ses concepts sont toujours très riches, retrouvez juste en dessous plus de détails sur tous les sujets qui ont été discutés.

Ce qu’on a appris en bref :

  • Sa nouvelle The Music Room devrait être intégrée dans la version poche de You Like it Darker.
  • Il pense souvent à ce qu’il s’est passé après la fin de Duma Key et pense parfois à écrire une suite (ce qu’il a un peu abordé dans la nouvelle Rattlesnakes).
  • Il travaille depuis février 2023 à un nouveau roman avec Holly Gibney intitulé Always Holly. Il a dévoilé qu’on y retrouvera Holly en tant que garde du corps d’une femme politique, et que l’intrigue impliquera un harceleur. Pas d’information quant à savoir s’il s’agit de l’autre roman avec Holly dont on avait déjà entendu parler : We Think Not.
  • Il n’a pas l’intention d’écrire de suite à la Tour Sombre : les histoires de Roland et de l’Entre-Deux Mondes sont terminées.
  • Il continue sa relecture de Talisman et de Territoires, qu’il avait coécrits avec Peter Straub. Il a toujours dans l’idée d’écrire le tome 3, sans savoir s’il le fera vraiment.

À propos de You Like it Darker, le recueil de nouvelles de Stephen King publié en mai dernier en anglais :

  • Pour lui, c’est son meilleur recueil. Malgré l’âge il ne cherche pas à “se détendre” mais reste le “pied au plancher” et est heureux de permettre à ses fans de lire des nouvelles parues dans des magazines et qu’ils n’ont peut-être pas vu passer. En effet, seulement 5 des 12 nouvelles du recueil sont complètement inédites (je vous le détaillais ici). Par ailleurs, il parle de sa nouvelle The Music Room qu’il aurait oubliée de mettre dans le recueil mais qui sera très probablement intégrée à la version poche ! Elle a été publiée en 2016 dans une anthologie, et mise quelques temps gratuitement à disposition sur le site du magazine Play Boy, mais n’existe pas en français.
  • En écrivant ce recueil, il voulait que les gens se disent qu’il assure toujours. Il estime que c’est le cas puisqu’il a reçu un succès critique très positif.
  • Il a situé plusieurs des histoires de ce recueil dans des lieux connus des habitué.es de ses histoires. Pour lui, ce n’est pas une façon de dire Adieu à ces histoires : “Une fois que les histoires sont sorties, elles appartiennent à tout le monde. Elles vous appartiennent autant qu’elles m’appartiennent, ou qu’elles appartiennent à n’importe quel lecteur, en fait.”. Certaines histoires ne sont pas situées car il ne le souhaite pas. D’autres sont dans des lieux où lui aime retourner, ainsi que ses lecteurs et lectrices. Des régions qu’il aime bien et i n’a pas l’intention d’arrêter d’y placer ses histoires.
  • Il se dit toujours très curieux de ce qu’il s’est passé avec Duma Key. En effet, il apporte des éléments de réponses sur la fin du roman Duma Key dans la nouvelle Rattlesnakes et précise dans le podcast : “Il est possible que Duma Key refasse surface à un moment ou à un autre. Je ne veux pas écrire des suites dans le but d’écrire une suite, vous savez. Parfois cela marche, parfois non.
  • Il n’a jamais abordé Rattlesnakes comme étant une suite à Cujo, ça s’est imposé à lui. Puisque les histoires viennent à lui, il a juste imaginé cette histoire en voyant deux petits garçons en plastique (à qui il a donné vie et dont il a fait des jumeaux dans son histoire, précisant qu’il adore les histoires avec des jumeaux, un motif effectivement très courant dans son œuvre), puis “Vic Trenton s’est faufilé par la porte de derrière. Je n’avais pas l’intention d’en faire une suite à Cujo. (…) J’avais besoin de quelqu’un qui va voir ces jumeaux. Et je me suis dit que c’était peut-être Victor Trenton de Cujo, et qu’il avait vieilli. Et peut-être que je pourrais parler de son garçon perdu dans cette histoire. Et tout s’est mis en place. J’adore quand cela arrive.” Mais il estime qu’il manque quelque chose à cette histoire : “Et je suis arrivé au moment où Vic marche, à la tombée de la nuit, et qu’il entend le grincement de la poussette derrière lui et qu’il lève la lumière de son téléphone pour voir ce qu’il y a. Et je me suis dit que j’avais un peu froid dans le dos en y pensant. Ce que j’aurais aimé faire, c’est que nous avons un portail près de notre maison. Il y a un bruit de grincement quand il monte et quand il descend. Je me suis dit que si Vic marchait et qu’il entendait ce grincement, il aurait peur de se retourner pour voir ce qu’il y avait, vous voyez ? Et je me suis dit que j’aurais dû mettre ça. J’ai raté cette frayeur particulière.”

Neil McRobert lui parle de certaines images de Rattlesnakes qu’il a toujours en tête, comme hanté. “Je suis un écrivain visuel, et je pense que c’est ce qui m’a façonné à bien des égards. J’ai un projecteur dans ma tête et je me fais ces petits films d’horreur.” lui répond King.

Sur l’inspiration pour ses histoires :

Bien que Stephen King n’aime pas qu’on lui dise “mais d’où sortez-vous toutes ces histoires ? Comment imaginez-vous tout ça !?”, il ne peut jamais s’empêcher dans ses récits de s’interroger sur le concept de création, d’origine de l’histoire ou du talent créatif comme c’est le cas avec Histoire de Lisey ou Two Talented Bastids.

“J’ai eu l’idée de Rattlesnakes parce que je marchais sur la route et que j’ai vu ces deux petits garçons, des petits garçons en plastique vert avec leurs chapeaux rouges. Et l’histoire m’est venue. Mais comment est-ce arrivé ? Pourquoi une telle chose se produit-elle ? La réponse est : je ne sais pas. Je n’en ai pas la moindre idée. Et bien souvent, la genèse de l’histoire ou la raison d’être d’une histoire s’efface. C’est comme si vous faisiez un rêve très précis. Et si vous ne l’écrivez pas le lendemain matin, sur un bloc de papier par exemple, vous ne pourrez pas vous en souvenir quelques heures plus tard, car l’élément se décompose rapidement. Mais en même temps, ces rêves et la vivacité de ces rêves sont ce qui nous rapproche le plus d’un autre monde. Parce que ce que nous y voyons est si exact, si concret. L’imagerie est si parfaite que l’on se demande comment c’est possible. Et c’est ainsi que sont les histoires.”

Pour Two Talented Bastids, il explique qu’il a d’abord voulu écrire une histoire avec l’image de deux hommes qui voient des lueurs se déplacer dans les nuages. Mais que pour avoir une histoire satisfaisante il a dû se poser des questions nécessaires pour développer de façon logique son histoire et en arriver à ce qu’il avait imaginé. Et sur son envie d’écrire sur les personnes qui ont un talent inné, et celles qui n’en ont pas. Et que parfois il faut quelque chose pour débloquer ce talent. “Parce que je pense que c’est la vérité. Je pense beaucoup à la créativité. Mais c’est un sujet merveilleux. Et je ne l’ai jamais épuisé. J’écris sur les écrivains principalement parce que c’est ce que je connais. Mais il y a un livre qui s’appelle Duma Key, qui parle d’un homme qui débloque sa capacité de création artistique, vous savez, des images et ce genre de choses, la même chose.

Et des fois, il y a des personnes qui réussissent à transformer l’essai. Qui réussissent à débloquer ce talent. Alors Neil lui demande : “Qu’est-ce que ça fait d’être la personne qui a fait ça plus que n’importe qui d’autre ? Qu’est-ce que ça fait d’être l’écrivain d’horreur de référence ? Qui est l’unique point de comparaison ?”

“Je pense à l’acte d’écrire. Je ne pense pas au fait d’être au sommet de la pyramide, si c’est là que je suis. Je ne pense pas que ce soit une très bonne idée, d’y penser. Je ne pense pas que ce soit intelligent. Et je ne pense pas que ce soit particulièrement sain.” Stephen King parle de l’importance qu’il accorde au fait de garder les pieds sur terre, de pouvoir continuer à simplement ouvrir au livreur et sortir la poubelle ou vider le lave-vaisselle. “Et je pense que le fait de vivre dans une petite ville m’a également permis de garder les pieds sur terre. D’une certaine manière, quand je vais au magasin, les gens qui y travaillent sont plus heureux de voir Molly qu’ils ne le sont de me voir. Parce qu’ils aiment mon chien, c’est tout. Et c’est très bien. “

Neil évoque un pèlerinage qu’il a fait à Bangor (comme moi il y est allé pour voir la maison de King) et à quel point les gens de la ville sont protecteurs du couple et de leur vie privée. “Je pense que l’un des avantages de vivre à Bangor aussi longtemps que nous l’avons fait, c’est que les gens apprennent à vous connaître.” Il explique qu’à Bangor, il est tranquille, on ne vient pas l’embêter.

Stephen King lit de plus en plus sur iPad ou sur Kindle parce qu’il vieillit et que les caractères des livres deviennent trop petits. Il écoute aussi des livres audio et explique que pour que l’esprit ne s’égare pas, il faut s’entraîner à écouter, c’est une discipline. Et que concernant l’horreur de fiction, on revient à une tradition orale.

Mais il reconnaît qu’un des plus grands avantages d’être lui, c’est qu’il peut publier ce qu’il écrit tel qu’il l’écrit. Qu’il peut digresser tant qu’il veut comme il a tendance à le faire dans les questions qu’on lui pose en interview, et ce podcast ne fait pas exception ! Pour Danny Caughlin’s Bad Dream il savait qu’il pouvait digresser et laisser s’étendre jusqu’à ce qu’elle soit trop courte pour être un roman mais trop longue pour être une nouvelle. Il savait qu’un jour il publierait un nouveau recueil de nouvelles et qu’elle pourrait y figurer. “Cela dit, l’autre chose, c’est qu’il ne faut pas se donner assez de corde pour pouvoir se pendre. (…) Et à chaque fois que je termine un livre, je me dis Et si j’avais vraiment merdé cette fois-ci ?”

Il explique qu’il travaille depuis février 2023 sur un nouveau livre, Always Holly, et qu’il travaille dessus depuis tellement longtemps qu’il a peur d’un retour négatif de son éditeur. Aucune info s’il s’agit du livre dont il a déjà parlé plusieurs fois en interview, We Think Not, dans lequel Holly Gibney apparaît, et qui est un thriller à la structure complexe par rapport à ce qu’il a l’habitude d’écrire.

À propos de son nouveau livre, Always Holly :

“Tout d’abord, on ne se dit pas : ‘Oh, il faut que j’écrive un autre livre avec Holly’ C’est la mort, vous savez, pour moi en tout cas, je veux dire que c’est différent pour différentes personnes. (…) Des gens peuvent faire ça, mais pas moi. J’ai donc tendance à rester ouvert et à me dire de temps en temps ‘Que fait Holly en ce moment ?’ J’ai eu cette idée et je me dis que la première chose qui m’est venue à l’esprit n’est même pas dans le livre. J’ai pensé aux chiens de Lady Gaga kidnappés, et j’ai pensé que cela pourrait être une enquête pour Holly parce qu’Holly a déjà eu affaire à des chiens, mais cela n’a pas fonctionné. Mais plus tard, il m’est venu à l’esprit que Holly pourrait décrocher un travail de garde du corps d’une femme qui est un point chaud de la politique américaine. Et je me suis dit que c’était une bonne idée. Tout ce qu’il y a à faire, c’est d’ajouter un harceleur et de remuer. C’est donc en partie ce dont parle le livre.”

En parlant des projets futurs, il est interrogé sur l’éventualité d’une suite pour La Tour Sombre et sur son projet d’un Talisman 3.

Une suite à La Tour Sombre : “L’histoire de Roland et l’histoire principale que je devais raconter sur l’Entre-Deux Mondes terminées. Je suis très heureux de ces livres et de la façon dont ils se sont déroulés. J’ai l’impression que quelque chose a parlé à travers moi lorsque j’ai écrit ces livres, en particulier Magie et Cristal, qui est mon préféré.”

Une suite à Talisman et à Territoires : “J’ai fini de lire Talisman, et j’ai pris toutes les notes que je devais prendre à son sujet. Et je dois lire Territoires qui vient après parce qu’il y a une sorte de cliffhanger, si je me souviens bien, à la fin. Je vais donc le lire et peut-être qu’il se passera quelque chose. Peut-être pas. Je ne sais jamais.”

Ils parlent un peu de la nouvelle 1922 et King avoue ne pas se souvenir comment il l’a écrite : “Je ne me souviens pas de ce qui m’a poussé à écrire cette histoire, mais cela a fait un bon film. J’aime l’histoire, mais je n’arrive pas à croire que je l’ai écrite. On dirait qu’elle appartient à un autre écrivain.” et il pense que c’est notamment parce qu’il n’est pas un écrivain qui peut écrire sur des époques différentes, mais s’il a su écrire sur les années 50 pour 22/11/63 parce qu’il a grandi à cette époque, mais ç’a été un gros travail de recherche. “Vous savez, je veux poser mon cul sur cette chaise où je suis en ce moment et écrire des choses qui sont inventées.”

Il trouve l’écriture des histoires avec Holly assez difficile aussi car il y a une part d’intrigue qui doit être logique, Holly est un personnage avec un fort esprit de déduction. Son histoire idéale, facile à écrire, c’est par exemple la nouvelle Un très petit coin où il y a juste à imaginer un homme coincé dans des toilettes de chantier et dérouler en imagination ce qui pourrait se passer.

Mais il continue d’écrire des histoires qu’il trouve difficiles parce qu’il aime Holly, qu’il comprend qu’elle est très intelligente et née pour être détective. “Je dois donc lui donner quelque chose à investiguer, et je peux le faire s’il le faut vraiment. Mais je dois travailler dur, Neal. Et je n’aime pas avoir à travailler dur.”

Interrogé sur le manque de structure qu’il peut y avoir à ses récits, il dit qu’il a le sentiment de contrôler ses histoires, dans la mesure où il ne les contrôle pas (notamment pour 22/11/63). “Le livre est le patron, et j’ai toujours permis à l’histoire de se dérouler à son propre rythme et de suivre les différents tenants et aboutissants de l’histoire autant que possible.” Il revient sur Le Fléau, qu’il a dû couper dans sa première version car il était trop gros pour être publié avec les reliures de l’époque. Il a coupé des parties qu’il aimait, mais qui n’étaient pas essentielles en terme de compréhension et de structure. Il a pu enlever des éléments décoratifs, mais il estime qu’il devrait tout le temps y avoir de la place pour ces éléments dans les livres. Il y a ceux qui vont à l’essentiel, et ceux qui s’étendent, et il fait partie de cette 2e catégorie.

Neil adore Roadmaster mais King avoue ne pas bien s’en souvenir mais en retient qu’il a dû faire beaucoup de recherches, et qu’il l’a écrit peu après son accident de juin 1999. “C’était douloureux. Une grande partie de ces recherches était douloureuse et s’est déroulée sous l’influence de médicaments antidouleur comme l’OxyContin. Mais je suis allé en Pennsylvanie et j’ai fait partie d’une unité de police d’État pendant un certain temps dans une zone rurale. Je voulais écrire une histoire sur le mystère, sur le fait qu’il n’y a pas de réponses. Colorado Kid c’est la même idée, l’idée que parfois il n’y a pas de réponses et que ce n’est pas grave. Le mystère suffit.”

Parlant un peu de sa nouvelle The Answer Man, King insiste sur le fait que “trois est un chiffre magique, mystique” et que c’est pour ça qu’“il y a trois souhaits. Il y a trois chances de faire ce qu’il faut. Il y a trois fantômes dans un chant de Noël.” La notion du 3 revient beaucoup dans le cycle de La Tour Sombre et il explique que c’est en relation aux trois grands âges de la vie : la jeunesse, l’âge mûr et la vieillesse.

Pour terminer, il recommande des lectures aux auditeurs et auditrices : Horror Movie de Paul Tremblay et Fever House de Keith Rosson.


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