En tournée promotionnelle pour sa série Histoire de Lisey (disponible sur APPLE TV+), Stephen King a répondu à plusieurs interviews. Evidemment il se répète beaucoup, voici donc un article qui résume ce qu’on a pu apprendre de nouveau à gauche et à droite.
Interviewé par le New York Times, il confie avoir adapté son roman en série car il pense que seuls les romans courts peuvent faire de bons films. Il aime aussi l’idée de pouvoir développer un peu lus l’histoire tout en gardant en tête la difficulté de garder un public captif pendant 8 heures.
L’altercation entre Jim Dooley et une bibliothécaire à propos du livre Charlie the Choo-Choo (un bel easter egg !) n’est pas présente dans le roman, c’est une suggestion de Pablo Larrain, le réalisateur, qui lui a demandé d’écrire une scène “à la fois étrange et menaçante”, à la Quentin Tarantino.
Pour lui cette adaptation est différente des précédentes qu’il a pu écrire (on pense aux téléfilms Le Fléau et Shining) à cause des publicités. Il a écrit pour une plateforme de streaming sur laquelle il n’y a pas de pub : les publicités coupent le rythme. Il a pu se concentrer sur son intrigue, et sur l’envie de venir regarder l’épisode suivant la semaine d’après.
Il montre beaucoup d’éléments de l’ordre du surnaturel dans Histoire de Lisey car elle contient pour lui beaucoup d’éléments réalistes. Larrain demandait à King : “Na’Ya Lune n’existe pas vraiment, n’est-ce pas ? C’est une construction de l’imaginaire pour que Scott s’échappe de sa maladie mentale, comme une soupape de sécurité.” et King répondait : “c’est un vrai lieu, qu’il ai existé ou non avant qu’il ai créé” et le réalisateur a fini par adhérer à cette idée.
Pour Stephen King on peut écrire des rôles de femmes battues mais il faut en faire des modèles : “Lisey s’endurci”. Mais tout se passe dans l’imagination, à la Hitchcock : “on ne voit jamais une seule coupure ou un coup au visage”. On ne voit pas les actes, on ne voit que sa réaction et les conséquences, ce n’est pas de la violence gratuite : “la série est plus artistique que provocatrice”.
Interviewé sur sa routine d’écriture par le Wall Street Journal, on apprend que chaque matin Stephen King fait un tour mental de ce pour quoi il est reconnaissant (de ne pas avoir de douleurs notamment). Il fait un peu d’exercice physique (pompes et abdos), se rase, petit-déjeune (il n’a pas de céréales préférées) et va écrire.
Parfois il se promène un peu avant d’écrire, pour booster l’endorphine. En tout cas il écrit toujours le matin, entre 8h30 et 12h30, il se sent plus créatif le matin.
Il préfère écrire les volets fermés pour ne pas être distrait par l’extérieur, et en général son chien Molly est au pied de son bureau.
Il s’estime chanceux de n’avoir jamais souffert du syndrome de la page blanche. Il a été seulement une fois en manque d’inspiration, mais il ne planifie jamais plus loin que le lendemain ce qu’il va écrire.
Il fait aussi un peu de sport sur tapis roulant, généralement il court un peu le soir devant les informations ou avec son iPad pour jouer à “Words with friends” avec des amis.
Il n’aime pas le café mais boit du thé et du Pepsi sans sucre. Il aime aussi la boisson LaCroix : une eau pétillante aromatisée, mais n’aime pas celle au pamplemousse, sa préférée est celle aux cranberries.
Il dort 6h par nuit et essaye de faire une sieste d’1h l’après-midi.
Stephen King a aussi participé à une discussion sur YouTube avec la Dr. Wendy Galgan, professeure de littérature au lycée Saint-Joseph, dans le Maine.
King parle de ses inspirations, notamment qu’il ne sait pas toujours ce qui l’inspire. Pour Dôme il savait qu’il voulait écrire sur le Président Bush et la guerre en Irak. Pour Salem il savait aussi qu’il voulait faire un Dracula moderne.
L’inspiration du poème pour La Tour Sombre (Le Chevalier Roland s’en vint à la Tour Noire, de Robert Browning) lui est venu plus tard après sa découverte de l’histoire, au lycée. Il s’est demandé s’il pouvait le mélanger avec du western et un monde imaginaire en ruines, au milieu duquel se dresse La Tour Sombre et la menace que si elle venait à tomber, les univers sombreraient dans le chaos.
Ses œuvres sont souvent considérées comme manichéennes, et ses personnages doivent prendre position entre le Bien et le Mal. Il n’écrit pas ces prises de position de façon consciente, à part pour Le Fléau. Il pense que c’est lié à son éducation méthodiste (église tous les dimanches, catéchisme tous les jeudis, etc). Il sait aussi que tout le monde ne prend pas toujours position.
“Mais ce qui m’intéresse ce sont les gens normaux. Les gens qui sont simplement de bonnes personnes. Ce qui m’intéresse c’est qui leur arrive quand elles se trouvent dans une position hors du commun. J’aime les histoires sur des personnes normales dans des situations extraordinaires.”
Mais ce qu’il veut par-dessus tout c’est que les gens aiment ce qu’il raconte. Il aime faire peur aux gens mais il aime aussi les faire rire, ou même les rendre tristes. “Je suis un auteur émotionnel de bien des manières.”
S’il pense que les images sont bien plus marquantes en film qu’en livre, il pense aussi qu’il est possible de faire sursauter le lecteur même si ça ne saura jamais aussi soudain qu’un film, qui joue du montage et de l’ambiance, musicale notamment. Il aime aussi les fins inattendues.
Pour lui, il y a deux sortes de Mal : celui à l’intérieur et celui à l’extérieur. Ce dernier est plus réconfortant car il comprend des éléments du surnaturel, comme Grippe-Sou qui est un monstre qui vient d’un autre univers. Pourtant, il commence son roman Ça avec un événement réel : une agression homophobe, qui est la manifestation du Mal intérieur.
Et il évoque le tueur en série Ted Bundy, une des rares personnes pour qui il a souhaité l’exécution car le Mal en lui ne pouvait être enfermé. “Dieu est cruel” pour laisser vivre de telles créatures.
Stephen King parle du dernier épisode de la série Le Fléau qu’il a écrit, une nouvelle fin à son roman. C’était une demande de Josh Boone qui avait lu dans une interview que King n’était pas complètement satisfait de la fin de son livre. Il a accepté, notamment parce que son fils Owen co-produisait la série et a (co-)écrit plusieurs épisodes. Il n’a pas aimé comment Las Vegas a été représenté dans la série car pour lui, ça aurait dû être plus proche de la classe ouvrière.
Il travaille actuellement sur un nouveau roman qu’il trouve difficile à écrire mais dont l’histoire “criait d’être écrite”. Il évoque plusieurs histoires où les gens lui ont demandé comment il a pu faire mourir les personnages, mais pour lui les histoires s’écrivent seules, il n’y réfléchit pas forcément.
Il a lu beaucoup de Lovecraft mais trouve que ses dialogues ne sont pas réalistes. Il a aimé certaines histoires dEdgar Allan Poe mais pas toutes. Mais pour lui le meilleur était Richard Matheson qui savait arriver et se maintenir à un haut niveau d’intensité.
Il détient toujours la radio WKIT : il ne gagne pas d’argent,, il espère simplement ne pas trop en perdre.
Il répète qu’il ne pense pas qu’il écrira un jour une histoire en lien avec le covid-19. Il en a écrit une inspirée de quand il était à New York pour le tournage de la série Histoire de Lisey avant qu’il ne soit interrompu. Il se souvient qu’il y avait moins de monde dans la ville que dans ses souvenirs, et tout le monde portait un masque. Il a eu l’idée d’une histoire sur un homme qui remonte Madison Avenue, qui porte un masque et fait des clins d’oeil aux passants, qui lui en font en retour. Il arrive à son hôtel dans lequel se tient une réunion où les gens portent des masques. Il s’est dit que c’était l’époque et le lieu parfait pour une invasion, “parce que la seule chose qu’on ne peut pas changer se trouve sous le masque”. Il retire son masque et on voit ses tentacules verts. Ils font tous la même chose, parce que ce sont tous des extra-terrestres avec des masques.
La nouvelle préférée qu’il a écrite est Le Chenal, parue dans le recueil Brume. Et son roman préféré est Histoire de Lisey.
Enfin, Wendy Galgan lui rappelle une interview où il disait écrire sur ce qui lui fait peur pour se débarrasser de sa peur. Il explique qu’il n’a pas pu se débarrasser de ce qui l’effraie le plus car les peurs évoluent et changent en grandissant. Il n’aime toujours pas dormir avec la porte du placard ouverte ou avec un pied en dehors du lit, mais il a surtout peur des enjeux politiques, qu’il essaie de ne pas inclure dans ses histoires si elles ne servent pas le propos. Il a aussi peur de la pandémie de Covid-19 et de ce qu’elle va changer. Mais surtout, il a peur d’Alzheimer car beaucoup d’auteurs en ont souffert, alors qu’il a utilisé son imagination toute sa vie.
Le 13 juin dans une interview pour CBS, Stephen King confie qu’il n’écrit plus aussi facilement qu’avant, ou qu’en tout cas il est plus long au démarrage : “Au début je me force, j’écris une phrase, puis une troisième, et petit à petit j’entre dans mon monde”.
Il explique qu’il vient de terminer un roman et qu’il le “laisse mariner”. Il met toujours de côté un roman qu’il vient de terminer pour s’y replonger plus tard avec plus de recul, et un regard critique. Mais il continue d’écrire tous les jours, il ne se repose pas, puisque de toute façon “sinon, j’aire dans la maison comme une âme perdue, et ma femme me dit ‘Monte, va t’occuper, sors de mon chemin !'”.
Enfin, il parle de sa mère, décédée d’un cancer à 60 ans, qui ne s’est jamais moqué de son envie d’écrire des histoires : “Elle m’a laissé l’espace dont j’avais besoin pour devenir ce que je voulais être”. Il raconte à propos de l’avance qu’il a touché pour la version poche de Carrie : “C’était 400 000 dollars, pour 1974 c’est une somme énorme. Avec mon frère nous sommes allés où elle travaillait, elle portait un uniforme vert, c’est la première fois que je raconte cette histoire, mais elle prenait énormément de médicaments car elle souffrait beaucoup à cette époque. Mon frère et moi on lui a dit ‘Maman, c’est fini, on peut prendre soin de toi maintenant parce que le livre s’est vendu pour très cher, tu peux rentrer chez toi’. Elle a mis ses mains sur son visage et s’est mise a pleurer.” (Ndlt : aux Etats-Unis le système de santé est très différent du notre, les soins ne sont pas gratuits même pour un cancer, donc bien souvent pour avoir un minimum de médicaments même quand on est très malade, il faut continuer à travailler.)
Son père a quitté le foyer quand il avait 2 ans, il n’en a aucun souvenir mais il a laissé dans le grenier de la maison une boîte dans laquelle le jeune Stephen a trouvé un livre de H.P. Lovecraft. Rien qu’en voyant la couverture, King a eu comme une illumination : “C’est ça ! Quoi que ça puisse être, j’ai trouvé quelque chose qui résonne avec mon âme.”
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